Pour chacun des étudiants, tous d’un excellent niveau, le Maître décelant immédiatement les points faibles, commençait par dispenser des remarques de caractère général : direction du violon et émission du son, oscillation d’un pied sur l’autre, trac et raideur, position de tête et hauteur coussin-mentonnière, vibrato électrique, tenue d’archet, hauteur de coude et qualité de son, contrôle et spontanéité, confiance et concentration, équilibre des cordes, égalité des timbres et écoute, exigence vis-à-vis du rythme et du tempo, développement de la palette sonore, etc.
Venaient ensuite quelques conseils judicieux sur la manière d’y remédier : se tourner vers les auditeurs, chercher le poids du bras et la hauteur bras-poignet pour la pâte de son, travailler le vibrato du bras en supprimant la pression du pouce ("libérer la main gauche, comme suspendue à une poignée de bus, chaque note devant devenir un centre de gravité de la main"), les respirations (respect du texte chez RAVEL car elles sont calculées, importance du geste et de la respiration pour les départs et la prise du tempo), l’écoute ("savoir ce que l’on veut entendre", "être son propre professeur, se juger, s’interroger sur le pourquoi et le comment", "se fixer des objectifs"), la qualité des pizz. (en utilisant un autre doigt et plus de poids sur les cordes intermédiaires) qui "doivent être joués avec autant de talent et de couleurs que le ferait un guitariste", les traits de doubles-croches qui doivent "comme un chapiteau" comporter un ou deux appuis pour avoir "une structure équilibrée", la recherche des coups d’archet ("c’est le rendu qui va déterminer", "voir quel est le point essentiel" et "comment on va y arriver"), le sautillé qui "part de la corde (cf Heifetz)", etc... !
C’est alors que commençait la véritable leçon de musique. Jean-Jacques KANTOROW emmenait chaque étudiant dans les sphères élevées de l’interprétation, attachant une importance particulière à "jouer comme on chante". En pensant que "musicalement toutes les notes sont intéressantes", en variant le vibrato, les vitesses et l’ampleur (vibrato d’ornement), "même les quatrièmes doigts !", sans oublier le vibrato de legato ("qu’on n’entend pas mais qui colore"), en conduisant bien les phrases (recherche personnelle des carrures et du phrasé), en exprimant "ce que l’on ressent et qui n’est pas marqué" (très nombreuses références à l’opéra et au bel canto pour "mieux extérioriser, faire participer à l’émotion"), en recherchant le son, les couleurs, plus de contrastes, le tout bien sûr parsemé de précieuses indications techniques (main gauche tranquille, démanché plus lent, confiant, tel doigté plus approprié, vibrer la note précédant le démanché, les trilles toujours sans vibrato (sauf dans l’extrême aigu où l’on n’a pas la place), mouvement plus latéral que vertical dans le staccato, avec des points de repère (se fixer des objectifs "comme lorsque l’on apprend à nager"), "on y arrive dans l’élan, il faut créer le réflexe", le travail dans ce cas venant après (principe du "démontage-remontage").
Le Maître s’est attaché également à ce que les élèves prennent confiance en eux, "chaque violoniste devant trouver son équilibre". Il ne s’est pas ménagé non plus avec son propre instrument, donnant des exemples plus époustouflants les uns que les autres de virtuosité et de musicalité, et accompagnant lui-même au violon certains concertos (détaillant l’orchestration et jouant jusqu’à un trille de flûte manquant dans la partie de piano ! ), laissant l’auditoire de cette passionnante journée (non-stop de 10h à 18h30 !) sous le charme et l’admiration.
Micheline LEFEBVRE, présidente de l’AmiRéSol, conclut en remerciant Jean-Jacques KANTOROW de cette merveilleuse leçon non seulement de violon mais véritablement de musique, qui restera gravée dans les mémoires.