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Le violon, éclairé par la danse Baroque

 

Béatrice MASSIN et Patrick BISMUTH : « autour de la danse et du violon baroque. »

"L’Europe chorégraphique"

C’est par un voyage dans le XVIIème siècle du Roi Soleil évoqué à travers la Danse que Béatrice MASSIN a débuté cette journée, agrémentant son récit d’illustrations par rétro-projecteur et d’exemples vivants de pas de danses.

Grand amateur de cet art, danseur émérite lui-même, Louis XIV avait distingué Pierre BEAUCHAMPS, compositeur de musique et de danses : celui-ci avait inventé une sorte de sténographie susceptible de noter pratiquement tous les pas de danse, mesure par mesure. Il inscrivait les détails de la danse avec des graphismes ingénieux, danseuse ici, danseur là, sur des colonnes parallèles : mouvements des jambes et des pieds, parfois même des bras, coudes, mains, et des ports de tête. Un carton équivalait à une mesure, parfois deux, et il fallait un ensemble assez important pour décrire une danse complète ! La primauté donnée à l’axe de symétrie, tout comme dans l’organisation des jardins à la Française est à souligner. Son système de notation fut repris par l’un de ses disciples, FEUILLET, et son règne couvrit celui du Roi aussi longtemps que Versailles fut le centre de l’Europe. BEAUCHAMPS avait réalisé l’Europe chorégraphique sous le contrôle du Roi !

La Danse était pratiquée plusieurs heures par jour chez les Nobles, et les armées emmenaient avec elles des Maîtres à danser. Il était un devoir incontournable de savoir danser pour un homme de haut rang, ce qui explique le comique de situation d’une scène fameuse du « Bourgeois Gentilhomme » (MOLIERE et LULLY, 1670) où Monsieur Jourdain, rêvant d’éblouir les autres, faisant effort pour s’instruire, animé par la folie des grandeurs, se montre maladroit, voire incapable de danser un menuet.

La première Comédie-Ballet de MOLIERE où s’accordent dans un juste équilibre la Poésie, la Musique et la Danse (les couleurs aussi ont un rôle important), rendant ainsi le théâtre à son état premier d’art de synthèse, date de 1661 : « Les Fâcheux » dont la musique et les ballets furent composés par BEAUCHAMPS ; cela illustre le souffle commun qui unissait danseurs et musiciens. L’enseigne du Maître à danser était d’ailleurs un violon.

Un autre aspect de l’analyse relève encore l’osmose existant entre ces deux Arts : l’iconographie met en valeur la ressemblance entre le maintien du danseur « contrôlé » par le poids du costume, et la tenue des instruments. La création de l’Académie Royale de Danse (1661) et de Musique (1668) professionnalisera et séparera ces deux arts. Au début du XVIIIème siècle, le nom de Pierre RAMEAU est à retenir : en effet, grâce à ses travaux, nous connaissons les règles essentielles du bal où il fallait particulièrement briller ! Les danses toujours à la mode étaient, entre autres, la Gavotte, le Branle, la Courante, la Bourrée, la Sarabande et le Passe-pied, qui pouvaient s’enchaîner comme un jeu, offrant une palette de couleurs variées.

Après cet exposé très enrichissant, nous avons pu entendre des ensembles de 2ème et 3ème cycle dans des pièces de CHARPENTIER, PURCELL, MARAIS, COUPERIN, GAULTIER, TELEMANN et BACH.

Patrick BISMUTH a alors insisté sur les notions de détente, d’actif-passif, d’énergie, de résonance, d’élasticité, de relief et de mouvement pour aider à une bonne compréhension musicale. De fait, les chorégraphies des bras droits se mettaient en place plus naturellement, les ponctuations devenaient plus intelligibles. Quant à l’illustration dansée, elle apportait un éclairage imagé et dynamique aux musiciens qui ressentaient à leur tour le besoin impérieux de donner vie et élan aux sons, dans un juste tempo, pour que musique et danse ne se séparent jamais : ainsi, quelques pas d’un Passe-pied ordinairement dansé pour évoquer personnages légers et autres Zéphyrs, métamorphosaient une interprétation initialement trop lourde. Ou encore, voir les mêmes pas qu’ont en commun Bourrée, Rigaudon et Gavotte, rendait plus aisée la traduction musicale.

L’image proposée par Patrick BISMUTH de « prendre le son dans la main et de le redistribuer » convenait parfaitement à la façon des danseurs d’appréhender une œuvre, expliquait Béatrice MASSIN.

En abordant des pièces de BACH, l’empereur du contrepoint, il était rappelé qu’on ne pouvait sans dommage « tenir » nombre d’accords par trop touffus : en effet, la très nette exposition des notes de l’accord permettait de bien saisir la polyphonie, rejoignant en cela la technique d’expansion ou de contraction de la matière sonore des clavecinistes. Enfin, laisser une belle place à l’imagination, à l’audace, à la créativité, pour proposer une interprétation inventive, tel était le message lancé lors de cette deuxième journée qui fut fort... nourrissante.

Et je pense alors à l’architecte et peintre italien LE BERNIN, artiste d’envergure du XVIIème siècle, au style qualifié de Baroque à cause de son ornementation très développée, son trompe-l’œil systématique, et où tout est mouvement. Cette notion de mouvement, de « mouvant », mots communs à la Danse et à la Musique, est là aussi, plus que jamais lisible.

Patrick Bismuth

Patrick BISMUTH étudie le violon avec Jean GROULT, Henri MOUTON, Danièle ARTHUR, J.Walter AUDOLI puis, au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris avec Roland CHARMY et Jacques DUMONT et se perfectionne ensuite avec Claire BERNARD. L’organiste Louis THIRY et le compositeur Jacques PETIT lui ouvrent les horizons des musiques ancienne et contemporaine. Il participe activement à l’ensemble de Jean-Claude MALGOIRE et devient soliste de nombreux ensembles baroques. Il fonde et dirige l’Ensemble La Tempesta et joue souvent avec James BOWMAN et Gérard LESNE.

Il envisage la pratique de l’instrument millénaire qu’est le violon dans la continuité et la diversité de son histoire : l’improvisation, la musique populaire, ou les musiques tziganes font autant partie de son univers et de sa vie de musicien que la tradition occidentale et, en particulier, le violon baroque, dont il est spécialiste. Cet itinéraire le conduit à interpréter autrement les répertoires classiques, romantique et contemporain. Professeur de violon baroque au CNSM de Paris de 1993 à 1998, Patrick Bismuth enseigne actuellement cette discipline au CNR de Boulogne-Billancourt.

Il n’hésite pas à enregistrer coup sur coup pour les éditions Stil, en 1990, les Six Sonates pour violon et clavecin avec Marinette EXTERMANN et, en 1991, les Six Sonates et Partitas pour violon seul de J.S. BACH. Il reçoit en 1998 le premier Prix International Antonio Vivaldi, décerné par la Fondation Cini à Venise.

Il vient d’enregistrer un coffret de 2 CD (chez Zig-Zag Territoires) avec Anne GAELS au piano et luthéal : 3ème sonate et Impressions d’enfance d’ENESCO, Tzigane de RAVEL, 9 pièces de KREISLER et Suite sur des airs populaires grecs de Maurice EMMANUEL.

Béatrice MASSIN

Après avoir été interprète dans plusieurs compagnies contemporaines, elle est engagée en 1983 par Ris et Danceries où elle alterne durant dix ans l’interprétation, la recherche sur le répertoire, l’assistanat et la création chorégraphique.

Elle collabore avec de nombreux festivals (Aix-en-Provence) et signe des chorégraphies pour l’Atelier Lyrique de Tourcoing, le Ballet du Rhin, l’Opéra Ballet de Nantes... Béatrice MASSIN fait partager son travail de recherche et de création en assurant un travail de formation sous forme de conférences, démonstrations, stages et ateliers. Elle a le même souci pédagogique et la même exigence, lorsqu’elle s’adresse à un public d’enfants avec les conférences démonstrations conçues pour eux (Opéra Bastille) ou lorsqu’elle s’adresse à des danseurs et des musiciens professionnels.

En 1999, avec sa compagnie Fêtes Galantes, elle conçoit un nouveau programme de reconstitutions et de création, dont la Suite de danse d’Alcina de HAENDEL à la demande de la Cité de la Musique à Paris.

En 1993, grâce à James IVORY elle découvre le monde cinématographique et participe à Jefferson in Paris. En 2000, à la demande de Gérard CORBIAU, elle assure toute la partie chorégraphique de son film Le Roi Danse. Depuis septembre 2001, Fêtes Galantes est en résidence à Cergy-Pontoise. Dans ce cadre, Trio-Tryptique sera la première pièce créée en janvier 2002, suivie à l’automne par Que ma joie demeure sur des musiques de J.S. BACH.